Confessions d’un ascenseur

Cinquième étage, jeux, jouets, articles pour enfants…

Il nous fallait descendre la rue Blanche, traverser la place de la Trinité puis emprunter la rue de la Chaussée d’Antin pour atteindre le temple de la consommation, le Magasin des magasins. Nous passions par l’entrée principale, sous l’encadrement de marbre, pour pénétrer dans la rotonde, immense théâtre à l’italienne couronné de sa verrière, bruissant de la rumeur du public et j’étais heureux à l’idée de rencontrer celui dont le costume et la fonction me faisaient rêver. Bientôt la cabine majestueuse allait descendre silencieusement du ciel, toute de vitres et de boiseries luisantes ; de sa main gantée de blanc il écarterait la grille, avant de la refermer sur ses passagers et d’actionner le mystérieux levier qui ferait décoller la machine. Chaque arrêt serait scandé par ses annonces, jusqu’à celui que j’attendais avec impatience : « cinquième étage, jeux, jouets, articles pour enfants », à laquelle ses gants immaculés ouvriraient l’accès. Je regardais avec admiration le commandant de ce navire dont je rêvais de maîtriser la course, j’aurais tant voulu revêtir son costume à boutons dorés pour annoncer à mon tour les étapes de cette croisière.
Enfant, j’enviais le liftier des Galeries Lafayette. J’ai gardé la nostalgie de ce rêve qui m’a quitté quand l’ascenseur social m’a donné la chance de poursuivre mon voyage, au-delà de l’étage des jouets et articles pour enfants.
Philippe Grimbert, écrivain et psychanalyste

 

Extrait du recueil « Cent Confessions d’un ascenseur », non destiné à la vente.

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